L’année 2017 s’est terminée de manière plutôt dramatique pour le milliardaire israélien Dan Gertler, l’un des hommes d’affaires les plus controversés opérant en République Démocratique du Congo. Le 21 décembre, le président américain Donald Trump l’a sanctionné en vertu de la nouvelle loi “Global Magnitsky“, qui autorise le président américain à sanctionner les auteurs de violations des droits humains et les acteurs corrompus. C’est la première fois qu’un gouvernement étranger cible ouvertement le magnat minier pour des pratiques de corruption au Congo.
C’est aussi la première fois qu’un gouvernement impose des «conséquences tangibles et significatives» pour les activités de Gertler dans le pays. Les sanctions visent à isoler Gertler et ses entreprises du système financier américain: les entreprises et personnes de nationalité américaine ne peuvent plus entretenir de relations économiques avec les entités sanctionnées; les transactions en dollars deviennent quasi-impossible. Même les entités étrangères courent de sérieux risques si elles continuent à livrer un appui financier, matériel ou technologique, ou si elles fournissent des biens ou des services aux entités sanctionnées: en effet, elles risquent à leur tour d’être sanctionnées par l’administration américaine. “Il n’y a pas bien pire pour un homme d’affaires que les sanctions américaines”, a déclaré à Resource Matters un banquier d’affaires.
Ce rapport de Resource Matters analyse les conséquences concrètes de ces sanctions pour les partenaires multinationaux de Gertler et pour le reste du secteur extractif au Congo.
Glencore, le géant suisse du négoce des matières premières, était lié contractuellement à plusieurs entreprises affiliées à Gertler au moment de l’adoption des sanctions. Resource Matters estime qu’en vertu de ces contrats, les filiales congolaises de Glencore devaient payer plus de 200 millions de dollars américains en royalties aux sociétés de Gertler d’ici fin 2019. Glencore a confirmé à Resource Matters que ni Glencore, ni ses filiales n’avaient payé de royalties aux sociétés de Gertler depuis l’adoption des sanctions.
Les projets de Glencore au Congo doivent près de $200 millions (estimation) en royalties aux sociétés affiliées à Gertler pendant les deux prochaines années. De plus amples détails et hypothèses sont fournis dans le rapport.
De même, l’entreprise sud-africaine Randgold, première productrice d’or au Congo, a annoncé avoir invoqué la “force majeure” et a indiqué qu’elle souhaitait cesser ses services d’exploration à la Société Minière de Moku-Beverendi, une entreprise aurifère majoritairement détenue par Gertler.
Cependant, les défis juridiques pour les deux partenaires de Gertler ne sont pas encore résolus. Pour l’heure, aucune des deux sociétés n’a confirmé qu’elles avaient définitivement interrompu leurs relations d’affaires avec les sociétés de Gertler.
Les autorités politiques Congolaises ne se sont pas encore prononcées non plus. Des entreprises sanctionnées affiliées à Gertler détiennent encore à ce jour deux blocs pétroliers à l’est du Congo, qui risquent désormais d’être gelés aussi longtemps que les sanctions perdurent. Le gouvernement révoquera-t-il les blocs afin de pouvoir les revendre à un nouvel investisseur? Ou bien restera-t-il fidèle à l’un des hommes d’affaires les plus proches du régime, et tentera-t-il de trouver d’autres voies pour lever des fonds? Dans ce dernier cas, c’est l’ensemble du secteur extractif qui pourrait faire l’objet de pressions.
En somme, le réel impact de Magnitsky dépendra de la réaction finale des partenaires de Gertler et du Gouvernement congolais vis-à-vis des sanctions. Il dépendra également du suivi plus ou moins étroit du Département d’Etat américain, et de sa disposition à infliger des pénalités ou imposer de nouvelles sanctions vis-à-vis de ceux qui apportent un appui aux entités sanctionnées.
by Resource Matters